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HUIT FEMMES PAIR ET AS

 

Par Améléia

Professeur de Lettres Modernes Certifiée non conforme

 

 

Peut-on faire  du nouveau avec de l’ancien ? Peut-on  raviver les vieux mythes, les avatars sans en brosser l’éculée métaphore ? Je me demandais bien en effet quel « inédit » secret féminin F. Ozon comptait révéler en plaçant en tête d’affiche huit têtes d’affiches désignées et classées au répertoire ? Quel surprise ! Quel bonheur !!!

C’est un film sur huit femmes, huit TYPES de femmes plutôt mais aussi sur 8 comédiennes ou plutôt huit TYPES de comédiennes.  Catherine Deneuve en bourgeoise guindée dégingandée est une surenchère de Catherine Deneuve ; Fanny Ardant, femme rouge fatal et rouge fatal joue à jouer son répertoire ; virginie Ledoyen un ton caricaturé au dessus de son type connu de jeune première dépucelée. E. Béart, surenchérit sur le thème  sainte nitouche et putain intrigante.  La seule peut-être qui sort de son registre parce que son registre précisément est de ne pas en avoir est Isabelle Huppert – Sublime en vieille fille hystérique et hypocondriaque.

C’est presque un cinéma dans le cinéma qui nous est donné à voir pour ce jeu de comédiennes qui finalement nous renvoie tous aux vieux mythes qu’elles incarnent et qu’elles  ont remplacé dans notre imaginaire. François Ozon ne fait pas fi des références qui ne cessent de nous suggérer ce rappel : Fanny Ardant reprend la chorégraphie de « les hommes préfèrent les blondes » dégrafant, manteau et gants, ouvrant décolleté. La joute avec la blonde Deneuve ne cesse d’y renvoyer. Béart joue les fausses vierges en reprenant « à pile ou face » de Sheila… Tous les grands mythes féminins sont revisités sur le mode parodique – j’y reviendrai -  mais en utilisant les vieux schémas de notre culture occidentale : femme fatale (Fanny ardant divine en Audrey Heiphburn)  femme enfant ( V .Ledoyen avec une touche de Lolita) ; La bonne invertie (comment ne pas penser à Genet !) la femme pauvre…Médée…Electre (succulente petite Ludivine Sagnier !) en passant par l’incontournable Sapho.

Au-delà du jeu des comédiennes – les héritages sont vivaces : parodie des huis clos d’A. Christie qui m’a fait pensé à bien des égard à ce bon vieux Cluedo ; parodie des vieux drame bourgeois de Simenon ; parodie de vaudeville avec non pas mari mais « mamie » dans le placard ; comique de situation voire gros comique de geste… L’appartement est une scène bourgeoise à la Fedeau où les personnages  entrent et sortent par les rideaux : rouges carmin pour Fanny Ardent ; bleu dur pour Deneuve ; vert tendre pour la petite Ludivine….. ce sont autant de superpositions, de récupération de vieux principes éculés mais réinvestis – à la manière de ces rideaux qui changent de couleur - au service d’un magnifique mélange des tons, mélange des genres, si bien qu’on ne sait plus si c’est  l’avatar qui fait le mythe ou le mythe qui génère son avatar !

 Ozon fait du théâtre dans le cinéma qui fait du cinéma dans le théâtre !!!

Au –delà de ces impressions génériques, j’ai quand même une impression personnelle.

Ozon peint les femmes dans leur pire défaut si bien qu’à chaque moment le drame pourrait verser dans du Mauriac : « femmes au bord de la crise de nerf », « secrets et mensonges », « cris et chuchotements », « sonate d’automne »  (au cyanure) « Tout sur ma mère »… Tous les ingrédients sont là qui synthétisent en un seul film le large éventail des hystéries féminines.

Et pourtant – et c’est là pour moi une des grandes réussites de ce film -  la parodie préserve et entretient l’éloge. Est-ce le fait de l’excellence des comédiennes ? Je ne sais mais toujours est-il que chacune sait être à la fois dans la caricature d’elle-même et du type qu’elle incarne et malgré tout attachante et émouvante.    

 Ce qui l’année dernière se passait « sous le sable » se vit « Sur le sable » et pourtant… l’insoutenable travers du féminin demeure insondablement connu, infiniment doué d’exaspération et de mystère, d’hypocrisie sincère, d’amoureuse traîtrise, de violente tendresse…

La fin du film me paraît aller dans ce sens : les femmes se sentent peut-être  coupables de ne jamais vraiment pouvoir l’être ; débordées par leurs propres peurs et fantasmes quand ceux-ci par malheur (ou bonheur ?) affleurent au réel… surtout incapables d’action !!! Il faut voir comment Ozon se moque de leur incapacité à mener une enquête ! Chaque interrogatoire vire à coup sûr au cépage de chignon qui se retourne lui-même en etreintes !!!

Qui aurait pu pensé qu’avec un mauvais Vaudeville et un faux Polar on pouvait à ce point servir les femmes ???

 

 

 © Améleia - Fiche Bristol - 08/02/2002