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ANTECHRISTA - AMELIE NOTHOMB

 

Par Améléia

Professeur de Lettres Modernes Certifiée non conforme

 

 

 

« Par cupidité, ils vous exploitent avec des paroles pleines de ruse. Plusieurs les suivront et seront cause que la voie de la vérité soit calomniée.» ( Premier épître de Jean Chap. 2, v. 1-4).

            Car il n'y a pas un antéchrist mais DES Antéchrists. Le folklore populaire a voulu Une figure unique incarnée dans  le visage du diable mais les faux apôtres sont nombreux, Nietzsche dirait qu'ils sont presque tous. Pire, ils sont ordinaires s'offrant au tout venant et porteur de fausses prophéties.  Antéchrista est bien tout cela.  Fidèle au modèle de l'emmerdeur nothombien, elle est ce bourreau ordinaire et anonyme  qui  vous fait jouir de douleur, aimer de rage, rager d'amour, et en prophète méthodique de  l'irrationnel   vous révèle à vous-même pour disparaître à tout jamais. L'intérêt de ce type de personnage, son génie, c'est qu'il n'existe pas !  Palamède, pas plus que Bernadette ne sont des personnages rationnels et donc moins encore rencontrables. Ils sont aussi faux que l'île de Mercure, des Prétextes fictifs, comme  des génies de la lampe romanesque qui le temps de la fiction éclaire la conscience amorale de chacun.  La question que je serais donc en droit de me poser est la suivante : quelle ignominie sublime et universelle Antéchrista révèle-t-elle ?  Car tout porte à croire qu'Antéchrista est un mythe moderne ; c'est l'archétype de la petite merdeuse à la mode, la nouvelle Lolita fringuée Promod,  la sybille du beau cul ou la pythie Star Ac'. En ce sens oui, Christa peut être la révélation d'un danger moderne et la mise en exergue d'un message moral :" Méfiez-vous des Lolitas modernes, elles sont les faux prophètes de notre nouveau millénaire, les succubes à Messier, les Mouchette du XXIème siècle. Ce sont elles qui vous détourne du 18 en philo pour vous apprendre à aimer vos seins ! Résistez en lisant Bernanos ou en lisant tout court.! " C'est à ce destin tragique que la pauvre Blanche succombe : la médiocrité est la rançon du succès ! (c'est léthée qui le dit)

 

Je sais ici que je cherche un sens à un roman qui n'en a peut-être pas (ou que je n'ai désespérément pas vu) et qui se veut pur divertissement - Voilà mon malheur. Antéchrista est un excellent divertissement (art du récit maîtrisé, écriture simple et efficace, sens du suspense et du zinzin....)   et comme excellent divertissement me déçoit. Non parce que je me fais snobement une toute autre idée de la lecture mais justement parce que Aussi  les autres romans de Nothomb me divertissaient... mais en m'horrifiant, en m'inquiétant, en me dépaysant, en me confrontant à l'absurde bref en me faisant ressentir  cet "étrange familiarité" qu'il y a dans tout grand roman qui nous met face à certaines de nos grandes vérités.

 

Ma déception ne repose pas sur le manque de profondeur de ce dernier Roman ( Palamède et Bernadette sont universels parce que précisément ils sont vides). Ce qui me gêne plus que tout chez Antéchrista et Blanche c'est qu'elles existent !  Ces filles je les ai croisées à la fac et j'en constate tous les jours la caricature au lycée. La grande beauté dans les roman-miroirs d'Amélie  c'est quand au sortir du livre je peux me dire : "j'ai lu cette histoire ; je sais que c'est  moi et  pourtant  cette histoire qui est la mienne  m'échappe encore ! " Le pire pour moi c'est à la fin d'Antéchrista de me dire : j'ai lu  cette histoire et cette histoire ça n'est que  moi".

 

Juliette et Bernadette se reconnaissent dans une altérité solaire qui  élève  l'animalité au rang de la mystique ;  Hazel se regarde dans des miroirs qui n'existent pas et finit par se trouver dans le visage de Françoise ; Le narrateur de Sans Nom épouse une  sensualité spectrale, le paradis infernal d'une altérité enfin inaltérable mais impossible...  tous les grands roman-miroir d'Amélie posent des reflets ambivalents, ambigus et tragiques où la mystification est seule révélatrice de vérité. ( magnifique parenté diderotienne)  Antechrista se mate et dit "vois comme j'ai de beaux seins trala la la lèrheu".  Le manque d'artifice romanesque est sans doute ici proportionnel au manque de profondeur morale. Qui peut répondre dans ce dernier roman à cette question qui pourtant est restée sans réponse dans bien des romans d'Amélie : "Miroir, dis-moi qui est la plus belle...."

 

 

 © Améleia - Antécritique - 22/08/2003