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CHAR ET L’ETHIQUE DE L’AMOUR

 

Par Améléia

Professeur de Lettres Modernes Certifiée non conforme

 

 

J’avais envie de parler un peu de Char bien que les années passant j’arrive de plus en plus sur le seuil d’un impossible à dire. Le recueil de Poème le plus connu est celui que vous trouverez en Poésie gallimard, Fureur et Mystère.

On dit la poésie de char Obscure et hermétique mais plus que tout cela je crois qu’il sait restituer l’exigence éthique de l’ineffable où chaque poème se présente comme on se présente au monde, sans doute, sous la forme d’une rêverie de l’explosé. Chaque poème quand il ne se présente pas sous la forme d’aphorismes est une succession de morceaux juxtaposés de matière émotion, des petits blocs autonomes de langage crispés les uns à côté des autres comme des grains de pollens entourés par le silence et qui tentent de saisir ce qui dans la permanence fuit, ce qui dans l’absence rehausse la présence.

De façon constante, il faut pour Char aller vers  "un ordre insurgé" et ce en faisant cohabiter  deux essences ennemies : absence et présence, arbre et oiseau, instant et durée ; ainsi le  bonheur final d'union doit être nécessairement précédé de la souffrance de l'épars.

L'amour est donc un paradoxe  : il faut  se livrer à l'ivresse de l'instant mais aussi construire une nouvelle continuité temporelle. La rencontre est "le mortel partenaire"  qui seul peut produire à partir d'un affrontement et d'une destruction, le dégagement d'un nouvel être. La rencontre amoureuse a exactement le même enjeu symbolique et éthique que la métaphore poétique : il permet de  composer une éternité culminante à cheval entre l'instant et la durée ("l'éclair me dure") A ce choc des antithèses doit surgir une "sérénité crispée »

Voici quelques notes un peu scolaires ; voici à présent ce qui Vraiment me chaut dans l’œuvre de Char et qui fait que je reviens à sa lecture comme à mon foyer…

Char est pour moi le poète de l’absence retournée en présence, du refus des limites de la rétention, du refus de toute possession de l’aimée y compris dans l’espace de la mémoire. Le principe pur de l’altérité amoureuse est travaillé pour que l’espace de l’autre le laisse ouvert à  tous ses possibles. Char Refuse d'intérioriser la femme comme personne, refuse d'inscrire l'existence de  l'autre dans sa propre existence, dans son histoire : elle n'est qu'une présence extatique dans laquelle elle s'est offerte et qu'elle continue d'être bien qu'elle ne soit très souvent plus là.  Le poème comme la femme n’est pas  une perception subjective ou intérieure mais une perception comme transcendance.  Ce qui est sublimé ce n'est pas elle mais paradoxalement la présence par où elle disparaît.

La femme habiterait le foyer d'une intranquillité amoureuse mais mise au service d'une intranquillité poétique. Elle incarnerait  ce lien nécessaire du dépassement de toute demeure. Le poème devient alors ce lieu de l'intervalle. Entre  durée et fuite, présence et absence, le seuil est un lieu de la tangence, lieu de l'entre deux, où entre  passé et futur, entre durée et instant , entre union et séparation le poème émerge en tension, restitue une demeure par où présence et absence sont augmentées l'une par l'autre.

Le but final est bien de lutter contre la monotonie, l'habitude, contre toute finitude possible "avant que la nuit ne devienne introuvable".

Je veux croire la  poésie de Char éminemment positive, qui récuse tout sentiment tragique et qui part de cette conscience du tragique pour la combattre et construire un ordre nouveau. Le Refus de la rétention exige une rupture. Dans la lignée de Rimbaud, l'amour, pour Char, est un mystère indissociable d'une fureur, fureur qui met en rupture toute forme d'établi, contre la fixité, l'immuable, la durée, et ce qu'elle implique dans la relation amoureuse : la possession.

L'autre n'est pas objet qui  devient notre, il se retire au contraire dans son mystère, ce qui importe est ce mode d'être qui consiste à se dérober à la lumière. L'amour pour Char consiste à maintenir la nuit entre deux êtres. Au fond l'amour serait cette  relation où tout étant là n'est jamais là.  La séduction pour Char est fascination d'un incommunicable qui doit rester incommunicable, d'où certainement l'hermétisme qui se dégage de l’œuvre toute entière.

Enfin, tout s'édifie sur un paradoxe : la Fureur est indissociable du mystère, mais surtout il n'est pas de ferveur s'il n'existe pas pour la soutenir une douleur, celle de l'effacement et du renoncement.  c'est pourtant à partir de cette ferveur du désastre que Char  édifie cette vérité idéale, elle est contenue dans un seul aphorisme

 Le poème est l’amour réalisé du désir demeuré désir.

 

 

 © Améleia - 30/01/2002