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ROBERT DES NOMS PROPRES - AMELIE NOTHOMB

 

Par Améléia

Professeur de Lettres Modernes Certifiée non conforme

 

NOTES DE LECTURES : ROBERT IS NOT ROBERT.

 

Nous sommes le 22 août 2002. Recluse dans une île tellement reculée dans les lacs de Corrèze. A l’heure qu’il est, la plupart des péplautes ont déjà lu ROBERT des noms propres…


Nous savons d’emblée que Jurassic a détesté, que le Robert n’est pas digne de figurer au registre alphabético-analogique des amibes, que ce Robert est digne du genre de lecteurs du même nom ; nous sommes presque sûres que Guilaine a adorrrré, qu’elle a déjà écrit dix pages à Amélie pour lui dire que c’est exactement ça ! qu’il y a une transcendance meurtrière et salvatrice dans le sport chevillé à l’anorexie ; nous pouvons aussi penser que Celeborn tente de se dire….mais si, mais non, intrasèquement-hypothétiquement-subconsciemment, il y a un intérêt
littéraire, il DOIT bien y avoir quelque chose… non ça ne peut pas être que commercial….et de javaser : Y’a qu’chose qui cloche la’d’ans-j’y retourne immédiatement…. (ou j’attends de savoir ce que tous les autres pensent…). Montalte a pu penser : « Ouiiiiiiiiiiii ! Tout à fait ! euhhhh ! euhhh ! Comme le grand chambellan me l’a dit hier…euh.. c’est exactement ça en fait.


Par extension, on peut supputer encore que tous/toutes les anorexiques de la liste et par extension tous les lecteurs potentiellement, ou effectivement touchés par le problème vont adorer et pour le coup rejoindre Peplum qui dès lors est susceptible de devenir la nouvelle immoderate mailing immodérée sur la bouffe et de ses complaisances…


On peut encore supposer que les fans de Robert - il y en a quelques-uns - y ayant retrouvé ce qui avait déjà été dit dans quelques interviews y verront un recueil génial, la fabuleuse condensation du destin de Robert Saladin ! ou encore que les anorexiques précédemment cités, découvrant que le destin de Robert est aussi spéculairement le leur(e) vont adorer Robert et acheter Robert ! ce qui revient à faire de l’anorexie un mini moyen de propagande pour élargir les anorexiques bouleversés de Nothomb aux anorexiques bouleversés de Robert !


On peut aussi s’attarder sur les inconditionnels de Nothomb, de loin ici et pour nous les plus intéressants : ces derniers donc dont l’œuvre constitue à ce point le mystère qui les perpétue, les tourmentent au point de chercher la vérité dans la personne de l’auteur, ces personnes donc ont pu voir se confirmer ce qu’ils redoutaient d’un point de vue littéraire : un coming out médiatique ; mais ils ont pu aussi donner réponse à leur vieux fantasme Paris-Match avec lequel leur idole sait si bien jouer et avec lequel elle joue encore dans ce roman - j’y reviendrai : cette rentrée littéraire est un « Coming out ». Enfin ! Donc, si oui Amélie c’est sûr et archissimement sûr, sait parler de l’enfance à merveille, qu’elle connaît à la perfection l’aporie anorexique, qu’elle n’y apporte de toute façon ni solution ni nouveauté, tout porte à croire que le grand intérêt du livre nous pousse vers les confins de cette grande question : il s’est couché dans le lit du livre cette réalité qui s’épanche réellement dans le lit et le cœur de l’auteur. Enfin !


Enfin donc il reste les autres : c’est à dire ceux qui n’ont pas de problèmes séculiers avec l’alimentation, ceux qui n’ont pas maille à partir
avec leur enfance, ceux qui n’ont aucun compte à régler avec les dévorations des mères, la lâcheté des pères, ceux qui n’ont jamais un jour
connu l’enivrante abnégation d’une discipline sportive ou intellectuelle, les cruautés de cours de récréation, le pont Neuf, les déguisements
interdits, les meurtres symboliques…ceux qui en bref, c’est une expression à présent conspuée, disent ne pas avoir d’ennemi intérieur – ceux-là, eh bien oui ! n’ont rien trouvé à prendre dans ce roman qui décidément oui, n’est qu’un roman ! et c’est là ce qui les dérange. Qui n’a pas d’ennemi intérieur n’a pas eu d’enfance. Ceux qui n’ont rien en eux de tous ces vices salutaires ont raison mais n’ont qu’un seul tort : ils n’existent pas ! Car il faut bien être fils de la pure mauvaise foi sartrienne pour ne pas avoir ce doux ennemi ne serait-ce que pour admettre que cette biographie Robert est avant tout le roman de toute enfance fantasmée, le conte de fée que chacun se fait de son enfance à posteriori, ce grand mensonge que personne n’ose raconter mais s’est construit pour se donner une histoire, pour légitimer la souffrance par la beauté. Le visage de tragédienne de Plectrude c’est celui que l’on se donne aujourd’hui de nos grimaces babillardes d’hier. Le suicide de la mère et le meurtre du père c’est le mythe du bâtard, ce qui fait que nous nous préférons fils du facteur ou des princesses leïa plutôt que de nos propres parents. Cette biographie est plus énorme que les yeux de Robert si elle ne s’élève au rang de mythe de l’enfance.

Dès lors, quelle déception pour les maniaques de la littérature de témoignage, les indiscrets patentés dévorateurs de Saga, cette Biographie
n’est
qu’un ROMAN ! Pourrait-on se satisfaire de la véracité des informations ? certainement me diriez-vous puisque ce qui a été écrit ici a

déjà été lu ailleurs et avant ! Mais à moins que PPD ne nous annonce ce soir au journal de 20 heures qu’Amélie est morte assassinée par son âme et sœur, et que cette dernière ne se décide pas à lui donner une sépulture (ce qui tordrait bizarrement le drame labdacidien) je ne vois pas comment cette « vie de Robert » serait plus réelle, moins symbolique que la mise en scène du meurtre de son auteur ! Cette jolie pirouette finale nous invite donc à chercher ailleurs – en NOUS comme dirait l’autre. « Robert des noms propres » finit par le début de la vérité que l’on aimerait savoir et qui nous poursuit : drame oedipien tout autant que Nothombien qui relance la danse des vieilles répétitions primordiales du meurtre du père au couple à trois. Cette valse des noms propres entre invention et réalité a aussi quelque chose d’une fable « Sans nom ».

 

 

 © Améleia - qui a bien aimé ! même beaucoup croit-elle ! - 22/08/2002